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La dombra de Kerboughï

 

Dans la précocité du temps, au sein de la steppe Kazakh, vivait un fameux joueur de dombra(*). Il composait lui-même de plaisantes mélodies, les jouaient lui-même sur sa dombra. Les habitants de l'aoul(*) écoutaient avec délectation Kerboughï(*) jouer ses plaisantes mélodies.

Un jour d'entre les jours, l'armée de Gengis-Khan fondit sur la terre Kazakh comme le faucon sur sa proie, bouleversa les aouls et les livra au pillage et à la destruction.

Gengis-Khan avait un fils bien-aimé qui répondait au nom de Jochï. L'occupation préférée de ce dernier était la chasse. Un jour d'entre les jours, il entendit parler de l'hémione Aqsaq-Qoulan que nul n'a jamais pu prendre. Il décide de partir à sa poursuite. Or il découvre qu'elle avait pouliné. Aqsaq-Qoulan galopait vivement, mais son poulain suivait ses traces avec assez de difficulté. Jochï banda son arc, la flèche qu'il décocha atteignit le poulain qui tomba raide mort.

A cet instant Aqsaq-Qoulan, plus brusque que la tempête, se précipite vers le fils du khan, le rejoint, le fait dégringoler à bas de son cheval et le foule aux pieds. Pour ce Jochï, l'heure de l'instant fatal était venue.

Gengis-Khan attendit longtemps son fils. Entrant enfin dans une rage épouvantable, il envoya ses djiguites(*) dans toutes les directions de l'espace pour le chercher. Avant de les lâcher il les avait prévenue:

- Rapportez-moi de noires nouvelles et je vous verserai du plomb fondu dans la gorge!...

Les djiguites cherchent sans trève Jochï: ils remuent ciel et terre, passent partout où l'on peut passer. Finalement, tout à coup, il découvrent son corps sans vie.

Le courage les fuit à l'idée de rapporter au khan la noire nouvelle. C'est alors qu'ils entendent soudain dans le lointain, un mélodie. C'était Kerboughï.

Les djiguites de se réjouir: ils ordonnent à Kerboughï d'aller rapporter à Gengis-Khan la nouvelle de la mort de son fils.

Quand il fut en présence du kan, Kerboughï ne prononca pas un seul mot. Il se contenta juste de jouer de sa dombra. Il exposa en récit musical comment Jochï avait péri en représailles à sa violence et à celle de son père.

Gengis-Khan saisit le sens de la mélodie. Il ordonna aussitôt que l'on verse du plomb fondu dans les ouïes de la dombra.

C'est depuis ce temps que la dombra refuse de parler le langage des hommes.



(*)aoul: campement, par opposition au village
(*)djiguite: guerrier jeune, brave et viril
(*)dombra: sorte de luth, instrument très prisé en Centre-Asie
(*)Kerboughï: ce barde est également revendiqué par les Kyrghyz sous le nom de Ket-Bouka



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