Notre visite à Port Baïkal n'était pas innocente. Cette colonie perdue, reflet d'un temps passé plus grandiose, était une étape importante sur le trajet du trans-Sibérien. En effet, c'était la première gare de la ligne située sur la rive du lac Baïkal, et le point de transbordement des brise-glaces à vapeur chargeant trains et passagers pour l'autre rive. Les installations de manutention étaient donc de première importance, les trains approvisionnant alors les bateaux desservant l'ensemble du lac. Les grues rouillées, les nombreuses voies et aiguillages qui disparaissent sous l'herbe en témoignent aujourd'hui.
Lorsque les planificateurs soviétiques ont décidé de construire un vaste barrage hydroélectrique pour alimenter Irkoutsk et ses nombreuses industries, les rives de l'Angara ont été en bonne partie submergées. Avec elles a disparu la voie du trans-sibérien reliant Irkoutsk à Port Baïkal, laissant orphelin le tronçon longeant ensuite le lac jusqu'à sa pointe sud. Une nouvelle voie a donc été construite, mais qui ne desservait plus Port Baïkal. La gare s'est donc retrouvée isolée à l'extrémité de la rive non carrossable de l'Angara, au bout d'un cul de sac ferroviaire désaffecté de 150 kilomètres de long.
C'est précisément pour embarquer dans le train hebdomadaire parcourant ce cul de sac ferroviaire que nous avons traversé l'Angara sur le vieux ferry jusqu'à Port Baïkal. La voie désaffectée du Circum-Baïkal est en effet une des plus impressionnantes portions du trans-sibérien. La rive sud-ouest est en effet très sauvage et escarpée, et la construction de cette voie suspendue à la berge a requis des centaines d'ouvrages, ponts, tunnels, digues, contreforts, qui se succèdent en permanence et donnent l'impression de survoler la rive.
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