Objectif Kamchatka

Gorely

 

Du Tolbachik et son spectacle à couper le souffle, il a fallu redescendre. Dans la vallée tout d'abord, pour nous décrasser à Kozyrevsk, puis après cette étape nécessaire, poursuivre jusqu'à Petropavlovsk. Camion, ferry, camion, Vostok Bar, camion, Malki et ses sources chaude, camion, et enfin 12 heures plus tard, la capitale. Après un jour de repos au bord du Pacifique, camion toujours, plein sud vers le groupe des volcans situés de l'autre côté de la baie d'Avacha.

En chemin, nous assistons à la remontée des saumons, dont c'est la saison de migration pour se reproduire et mourir. Suivant les races, le spectacle a lieu entre juin et septembre. Dans un ruisseau de montagne, nous voyons d'énormes bêtes lutter contre le courant écumant, et se jeter de toutes leurs forces en amont. Certains se reposent sur le bord, d'autres ont fait fausse route et gisent dans un bras mort, d'autres enfin se laissent redescendre épuisés par l'effort. A la vue de cet impressionnant ballet, on ne peut s'empêcher de compatir, de les encourager secrètement, et de se poser mille questions sur la bizzarerie de l'évolution qui a fait que ces saumons doivent toujours remonter tant de rivières sur tant de kilomètres pour se reproduire et mourir. Leur migration fait la joie des ours, qui s'en baffrent en les pêchant à coups de griffes.

Comme ailleurs au Kamchatka, les abords du Gorely sont cette année bien enneigés. Le camion approche avec prudence du site où doit s'établir le camp de base. Nous nous installerons un peu plus loin que d'habitude, car un immense névé en pente barre la piste. Malgré le brouillard de notre arrivée, le ciel est clément le lendemain, et dès les premières lueurs de rosée la journée s'annonce belle. Nous en profitons donc pour nous lancer sur les pentes du volcan, qui réserve une bien belle surprise à son sommet: en plus de la vue fantastique sur la vallée barbouillée de neige et de prairies somnolentes, le cratère rayé de strates lie-de-vin renferme un splendide lac acide bleu turquoise, sur lequel flottent quelques icebergs. Un névé vient mourir dans ses eaux laiteuses, et les fumeroles viennent rappeler que le géant endormi se déchaînera un jour ou l'autre.

Le sommet vaincu nous a gâté, et nous n'avons pas regretté de ne pouvoir gravir un autre volcan le lendemain, le temps ayant mal tourné. Au soir, le soleil revenant, une colline proche nous a offert un panorama inoubliable sur les volcans Mutnovsky et Vilyuchinsky voisins, fumant tranquillement, au milieu d'un beau lac bleu roi et des prairies neigeuses ruisselantes. Et une fois la nuit tombée, c'est maître goupil qui s'est approché du campement de son trot leste et discret, à l'affût, tendant le museau et baissant les oreilles pour chercher si nous n'aurions pas laissé quelques restes à grappiller. Il est rare de voir un renard sauvage, et le regard perçant de celui-ci nous montrait combien il était tiraillé entre la faim et la crainte. Un fier animal, qui s'en est allé galopant sur la neige et disparaîssant derrière les sommets comme il était venu.



































 

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